Bien que certains considèrent avoir bénéficié de cours adaptés, réfléchis et encadrés sur la sexualité, d'autres, au contraire, gardent de ces interventions un souvenir mitigé. Gloussements étouffés au fond de la classe, profond sentiment de malaise, crainte du regard des autres, sensation de culpabilité... En somme, un contexte intimidant aussi bien pour les élèves que pour les professeurs, naturellement peu favorable à l'acquisition de connaissances.
À l'adolescence, la sexualité est un sujet important, mais également plus ou moins délicat selon les personnes. À la fois source de curiosité et de gêne, elle suscite globalement le questionnement chez les jeunes. Or, il n'est pas toujours facile d'en parler sérieusement avec son entourage, ses professeurs ou ses parents. En l'absence de clés pour s'informer réellement sur ce sujet, certains finissent même par trouver d'autres moyens pour parfaire leur apprentissage. Seulement, il n'est pas certain qu'Internet et les magazines soient des outils d'une véracité infaillible.
L’éducation sexuelle est un sujet complexe, et, qui plus est, au centre des préoccupations (en témoigne d’ailleurs la récente annonce de la saison 2 de Sex Education, dont le premier volet a remporté un franc succès avec plus de 40 millions de vues). C'est la raison pour laquelle elle nécessite une véritable réflexion sur ses méthodes de communication et sur son approche auprès des jeunes. D'autant plus que l'éducation sexuelle dans le cadre scolaire (débutant bien souvent en 4ᵉ au-travers du programme de SVT) a généralement tendance à insister davantage sur l'aspect « technique » et « anatomique » que sur sa dimension sentimentale et relationnelle (respect mutuel, orientation sexuelle, consentement...) qui a pourtant toute son importance.
La question de la sensibilisation des adolescents à la sexualité est une problématique actuelle. Il convient donc de se demander de quelle manière cette prévention pourrait s'effectuer, le tout dans un contexte bienveillant et adéquat. Et il semblerait que certaines personnes aient détecté quelques éléments de réponse dans le secteur du jeu vidéo.
Des jeux vidéo dédiés à l'éducation sexuelle, ça existe ?
De plus en plus de projets vidéoludiques à destination de cette problématique voient progressivement le jour. Cet article a d'ailleurs été motivé par la découverte d'un jeu mobile sorti en juin 2018 nommé Summer Time : L'été des choix. Ce dernier a été conçu et développé par le CRIPS (Centre Régional d'Information et de Prévention du Sida) et Gamabilis (Start-up qui œuvre à la réalisation de jeux vidéo sensibilisant à des sujets tels que la sexualité, l'alimentation ou l'écologie). Il est disponible gratuitement sur le PlayStore et s'adresse particulièrement aux 16-25 ans. Dans ce jeu, il est possible d'incarner une femme ou un homme, de 15 ou 17 ans. Il est conçu sur un support narratif, avec un système de choix qui permet de suivre un scénario en fonction des décisions du joueur. Il s'agit donc d'un jeu responsabilisant, qui pousse chaque personne à s'interroger sur son attitude face à certains sujets tels que la contraception, le harcèlement, l'homosexualité, les IST ou encore le consentement.
Dans un autre genre, il existe également le jeu Safe Sex With Friends, disponible sur IOS, qui s'inspire largement du modèle de Words with friends et du Scrabble. Ici, les cases sont remplacées par des types de rapports sexuels et des méthodes de contraception. Le joueur doit ainsi choisir les bons outils et créer des combinaisons pour obtenir le plus de points. Il s'agit d'un jeu qui peut se jouer seul ou à plusieurs dans un mode compétitif. En utilisant le modèle d'un jeu connu, Safe Sex With Friends compte sur les pré-requis du joueur et permet, par son processus de répétition et de stratégie, de favoriser l'intégration de ces connaissances.
Enfin, nous pouvons aussi évoquer le jeu PlayForward : Elm City Stories qui a été conçu par Lynn Fiellin, enseignante à la Yale School of Medicine dans le Connecticut. Dans ce jeu, dédié aux 11-14 ans, le joueur se retrouve confronté à ses propres choix et à l'impact de ces derniers dans l’histoire. Également calqué sur un système de scénario à choix multiples, le joueur incarne un adolescent qui se retrouve confronté à des situations le mettant face à ses connaissances sur des sujets tels que la dangerosité des drogues ou la transmission des MST. À tout moment dans le jeu, il est possible d'avancer dans le temps et de constater de quoi aura l'air son personnage à l'âge de 30 ans. En bref, le jeu insiste sur le fait que chaque choix a des conséquences, que ce soit sur le court ou le long terme. PlayForward : Elm City Stories se démarque également par son système de développement de compétences donnant accès à plus de liberté dans le jeu.
Pourquoi le jeu vidéo ?
Il est certain que, lorsque l'on parle de prévention et d'éducation, nous ne pensons pas instinctivement aux jeux vidéo. Après tout, cela peut se comprendre : il est vrai que ces derniers ont tendance à renvoyer une image faussée des relations amoureuses, des rapports hommes/femmes ou de la sexualité en général. Pourtant, nous le savons, les jeux vidéo ont un potentiel éducatif énorme. Nous avons tous entendu parler d'Adibou, d'Arc en Ciel ou Marine Malice qui, grâce à leur aspect interactif, parvenaient à mêler apprentissage et amusement chez les jeunes enfants. Or, pourquoi ne pas faire perdurer cet aspect éducatif en imaginant des jeux vidéo spécialement dédiés aux adolescents, avec des problématiques de leur âge ? D'autant plus que, selon les chiffres du SELL (Syndicat des Editeurs de Logiciels de Loisirs), les plus grands consommateurs de jeux vidéo de notre époque seraient les 10-14 ans et les 15-18 ans.
L’aspect interactif des jeux vidéo est une caractéristique majeure dans le développement de l'apprentissage. En effet, certaines personnes nécessitent de se sentir impliquées pour intégrer des informations. Ainsi, le jeu vidéo et sa notion de répétition, d'échange, de challenge, de développement de capacités pourrait être une véritable porte d'entrée dans ce processus d’initiation.
Il est aussi important de noter que l'expérience vidéoludique peut se faire dans un cadre privé, à l'écart du groupe. Dans ce contexte, il n'est pas utile de chercher à amuser son entourage et ainsi à dédramatiser une situation gênante. Ici, il n'est pas question de parler de ses questionnements face à un groupe de personnes. Il n'y a pas à craindre le regard des autres et leurs moqueries. Personne ne juge personne, c'est le joueur face à son jeu. De plus, en construisant sa propre expérience de jeu, l'adolescent n'est pas uniquement assimilé à une masse ou à un groupe. Il peut être libre de ses choix, il se sent plus concerné, mais aussi plus responsable.
Incarner un personnage, choisir un avatar, un « autre soi » permet de percevoir des situations avec beaucoup plus de recul. Parfois, aborder un sujet a priori gênant au-travers d'un personnage permet de le visualiser dans son ensemble et de le considérer comme quelque chose de beaucoup moins grave et angoissant.
Enfin, nous le savons, l'expérience demeure le meilleur apprentissage possible. Et le jeu vidéo permet notamment de nous familiariser avec certaines situations, de nous confronter à des questionnements de la vie réelle et nous donner les clés pour y répondre.
On pourrait effectivement se demander si le jeu vidéo se suffirait réellement à lui-même en termes de connaissances ou s'il ne serait finalement qu’une forme d’introduction au débat. Toutefois, en vue de sa popularité et de son expansion, il serait dommage de renier son potentiel dans le processus de prévention et d'éducation auprès des adolescents. Ceci demeurant évidemment sous la condition de créer des jeux spécialement conçus pour les jeunes, ne les exposant donc pas à du contenu choquant ou non adapté à leur âge. Ainsi, au même titre que certains jeux évoqués précédemment, il semble primordial de compter sur la participation active de professionnels de santé ou d’instituts spécialisés dans la jeunesse et la prévention dans le processus de conception de ces supports.
Et vous, l'éducation sexuelle au-travers des jeux vidéo, vous en pensez quoi ?