Faire un jeu tout seul quand on n’a aucune expérience
Old Days
J’ai toujours aimé savoir comment on fait. Voilà, c’est dit. Je crois que, depuis que je suis gamin, j’aime connaître la genèse des choses que j’aime, découvrir le processus créatif, mais également technique derrière telle ou telle œuvre. Et j’ai également toujours aimé m’y essayer.
Ça explique certainement mon intérêt pour le dessin et la musique, entre autres et il est évident que c’est ce qui m’a dirigé inconsciemment vers mon métier actuel (la post-production). J’ai tout à fait conscience du fait que découvrir l’envers du décor peut, pour certaines personnes, briser la « magie » et l’immersion mais, en ce qui me concerne, ça a toujours été une source intarissable d’intérêt et d’émerveillement.
Le choc de découvrir que les films Marvel ressemblent avant tout à un jeu Bethesda non moddé…
Alors, le jeu vidéo.
Depuis tout môme, la conception des jeux auxquels je jouais m’a toujours intriguée. À tel point que, aux alentours de mes 10 ans, j’ai « programmé » (rajoutez une pelletée de guillemets) avec mon frère un petit jeu textuel sur le Commodore 64 familial (le summum de la technologie à l’époque : un processeur à 0,985 MHz et 64Ko de RAM ! Tu peux pas test).
Le principe était (très) simple : l’ordinateur nous posait des questions, on choisissait une réponse et l’histoire se déroulait sous nos yeux. Bon, il faut bien le dire, si le début proposait quelques choix et différences dans les réponses, le jeu bifurquait assez rapidement pour ne plus nous demander que d’appuyer sur la touche Entrée afin de faire défiler une histoire écrite par deux gamins de 8 et 10 ans (et donc, ponctuée de blagues improvisées qui ne faisaient glousser que nous).
Pendant des années, ce fut ma seule tentative de création vidéoludique. J’ai eu quelques tentatives de début de motivation pour éventuellement apprendre le C++, mais ça n’a jamais été vraiment plus loin qu’un rapide coup d'œil à la couverture de « Apprendre à programmer pour les nuls ».
Souvenirs de jeunesse.
Rétrospectivement, je pense avoir gardé un certain lien avec la création de jeux par le biais du modding. Mais ceci est une autre histoire, comme dirait l’autre*…
Something Better Beginning
Retour en 2021. Voilà maintenant quelques mois (années ?) que l’envie d’essayer de « faire un jeu » me taraude à nouveau. Et, aujourd’hui, j’entrevois une possibilité.
Pendant des années, le développement de jeux est resté plus ou moins inaccessible aux jeunes développeurs et développeuses solitaires, car il fallait majoritairement passer par la case console afin de pouvoir publier son titre, le jeu sur PC restant, à l’époque, assez underground (pour ne pas dire marginal, car restreint à certains genres de niches comme le RTS, par exemple).
Mais depuis maintenant plusieurs années et l’avènement d’Internet et des stores comme Steam ainsi que l’accessibilité à des outils bien plus performants pour le grand public, le jeu indépendant a trouvé un second souffle et est revenu sur le devant de la scène.
Ainsi, il est aujourd’hui tout à fait possible pour n’importe qui de concevoir et publier un jeu de A à Z sans bouger de chez elle ou chez lui.
Un état d’esprit « jeux de garage » qui n’est pas sans rappeler les débuts du jeu vidéo PC (Prince of Persia ou Another World, par exemple) et qui, je dois bien l’avouer, est loin de me déplaire.
Alors je décide de me lancer. Ah, oui, mais je ne vous ai pas dit ? Il y a comme qui dirait un testicule de canis lupus lupus dans le pâté Hénaf : je ne sais pas coder. Du tout.
« Oui, c’est pour ? »
Engines of Creation
Ma première étape a donc été de trouver un moteur de jeu qui me permette de travailler sans avoir besoin de coder et dans lequel je me sentais suffisamment à l’aise pour aller le plus loin possible dans mon projet.
À mon sens, il est d’abord important de savoir le type de jeu que l’on souhaite faire et, surtout, il faut connaître ses propres limites. En effet, le réflexe premier serait de se lancer sur Unity ou Unreal Engine puisque ce sont les deux moteurs les plus utilisés dans l’industrie et qu’ils sont disponibles gratuitement.
Oui, sauf que non. Non parce que ce sont des moteurs très complets et complexes qui permettent de faire à peu près tout ce qu’on veut. Et ça, c’est clairement intimidant lorsqu’on débute. Les possibilités sont telles qu’on ne sait par où commencer ni quoi apprendre en premier. Et du coup, on bloque.
En tout cas, c’est ce qui m’est arrivé.
Alors j’ai pris le problème dans l’autre sens : je me suis tourné vers le minimalisme.
Dans un premier temps, je me suis donc penché sur PICO-8, un petit moteur de jeu très limité, mais qui permet malgré tout de faire des petits trucs plutôt cools. On peut y trouver par exemple le prototype de Celeste, mais également une conversion de Doom ainsi qu’un petit demake (un remake d’un jeu transposé sur une plateforme plus ancienne) de Hollow Knight, entre beaucoup d’autres.
Évidemment, PICO-8 est basé sur du code, mais la communauté est très sympathique et aidante, ce qui permet de trouver très facilement des ressources pour un apprentissage rapide et ludique.
Et donc, il y a eu ça :
Non, il n’y a pas de fin… ni vraiment de début, d’ailleurs...
Alors, bien sûr, c’est un jeu qui se base sur un tutoriel et ça reste incroyablement limité mais ça fonctionne et, surtout, je suis en train d’apprendre donc laissez-moi tranquille, moi je suis content, nom d’une pipe en bois !
L’avantage de cette expérience est qu’elle m’a permis de me rassurer dans ma capacité à… bah, à suivre un tuto, ouais, c’est pas faux (y’a pas de petite victoire, oh !), mais elle m’a également permis de me rendre compte que faire des petits jeux simples, c’est plutôt très cool, en vrai.
La limitation est un vrai moteur de créativité en ce qui me concerne et le jeu vidéo ne semble pas déroger à cette règle. C’est d’ailleurs un sujet très fréquemment traité dans les milieux créatifs et il n’est pas rare que des artistes s’imposent des contraintes afin de booster leur créativité, voire pour les sortir d’un syndrome de la page blanche.
Moi au milieu des contraintes (représentation artistique).
Quoi qu'il en soit, je me sentais désormais mieux préparé pour me lancer dans un projet plus concret.
Start Me Up
Je me suis très rapidement tourné vers GDevelop pour le moteur de jeu : il est gratuit, open source (ce qui signifie que les utilisateurs ont accès au code source et peuvent étudier, modifier et distribuer le logiciel librement) et très user friendly pour les débutants et débutantes.
Restait la question du jeu.
J’ai toujours été un grand amateur de jeux d’horreur et j’avoue que je vois un assez fort potentiel à en proposer un très minimaliste. Faire naître l’horreur de la suggestion me semble bien plus puissant que n’importe quel jumpscare et certains jeux, comme le très intriguant et efficace Faith, ont réussi à prouver que quelques pixels suffisent lorsqu’ils sont bien utilisés. Je reste persuadé que l’horreur est un genre extrêmement versatile et j’aimerais vraiment m’y atteler afin de l’explorer.
C’est pour cette raison…. que j’ai décidé de ne pas faire un jeu d’horreur ! Je pense très sincèrement ne pas avoir encore l’expérience nécessaire pour proposer quelque chose de satisfaisant.
Alors autre chose. Quelque chose de plus immédiat.
Flashback de mes jeunes années, de ces jeux d’actions instantanément fun. Voilà, c’est vers ça que je vais me tourner. J’ai envie d’un jeu rapide, fun et fluide, quelque chose qui a du flow sans être frénétique. Bref, je commence à entrevoir ce dont j’ai envie.
Mes inspirations sont diverses : Castlevania, Contra, mais aussi Sekiro ainsi que la dernière mouture de Doom.
Oui, bon, dit comme ça, c’est un peu le bordel mais, dans ma tête, ça a l’air de le faire.
Bon, quoi qu’il en soit, je pouvais me lancer dans un prototype.
Draw the Line
C’est quelque chose qui m’est personnel, mais j’ai avant tout besoin d’un visuel pour pouvoir démarrer. Pas grand-chose, juste un personnage, afin de pouvoir déterminer le ton général du jeu. J’avoue que l’utilisation de carrés, triangles, rectangles et autres figures géométriques en guise de substitut m’empêche de bien visualiser les choses et de ressentir le vrai feeling du jeu.
C’était donc parti pour un peu de pixel art dans Piskel, un soft inclus dans GDevelop mais qui est également disponible en version indépendante.
En général, il est conseillé de débuter avec des sprites qui font 16x16 pixels : il y a moins de détails et la partie animation s’en trouve facilitée et accélérée.
Malheureusement, ce format m’a semblé un peu trop restrictif pour ce que je souhaitais et, après quelques essais, j’ai jeté mon dévolu sur du 42x42 pixels, un format qui n’est pas trop complexe, mais me permet d’avoir un niveau de détails satisfaisant.
Pour les couleurs, c’était un peu différent. Vous le savez peut-être mais je suis un peu daltonien sur les bords et j’ai donc besoin d’un peu d’aide sur ce sujet.
Heureusement, il existe là encore énormément de ressources afin de choisir LA palette de couleur qui vous correspond. Vous pouvez par exemple aller faire un tour sur Lospec qui propose un échantillon très conséquent avec, qui plus est, des exemples concrets afin de bien se rendre compte du potentiel résultat (ledit résultat pouvant varier selon les compétences de l’artiste).
Personnellement, je suis parti sur Rust Gold 8 parce que, voilà, je la trouve jolie.
Et bim ! Boudiou qu’elle est belle !
Il était maintenant temps de… tâtonner et galérer pendant une paire d’heures, on ne va pas se mentir. Travailler dans des résolutions très basses a l’avantage d’amener moins de détails, mais la contrepartie, c’est que chaque pixel compte. Le truc, c’est peut-être plus de donner une idée générale de la forme qu’on souhaite évoquer, plutôt que de partir sur quelque chose à l’exactitude millimétrique. Suggérer plutôt que montrer.
N’hésitez pas à prendre du recul par rapport à votre sprite pour savoir s’il reste compréhensible une fois affiché en taille réelle.
Piskel est d’ailleurs très pratique pour visualiser tout ça en même temps.
Alors, bien sûr, je ne suis pas animateur professionnel, mais disons que j’essaie de faire au mieux pour que tout ceci ne soit pas trop trop dégueu à regarder. Et, après beaucoup plus de temps que je n’oserai jamais l’avouer, même sous la torture, il était là :
Awww, le jeu n’a même pas encore commencé qu’il est déjà essoufflé comme jaja <3
To be continued...
* L’autre, c’est Conan… Enfin le narrateur dans Conan… Bon, mais ça n’a pas d’importance ici.