Les éditions collector dans les jeux vidéo sont devenues incontournables. Lorsqu’un joueur est fan d’une licence, dépenser plusieurs dizaines d’euros pour devenir l’heureux détenteur d’objets inédits ne se discute pas. Les éditeurs ont bien compris cela et profitent de ce marché à grand renfort de publicité. Découvrons comment ce phénomène est né et jusqu’où il peut aller.
Les éditions collector : histoire du phénomène
À l’origine était le Japon
Les éditions collector sont principalement nées au Japon. Au fil du temps, cela en est même devenu une véritable institution. Cette identité culturelle de « collectionnite aigüe » s’étend aussi à d’autres supports : CD, mangas, gachapons, peluches, figurines de tout bord ou jeux vidéo. Tout est prétexte, au pays de Soleil Levant, à de l’accumulation de masse. Cette identité culturelle, l’otaku l’a bien comprise. Il ne pourra s’empêcher de partir en quête de la statuette numérotée, d’une édition spéciale ou tout autre objet plus ou moins rare. Tel le Graal, il souhaite l’exposer sur sa bibliothèque. Et peu à peu, les jeux vidéo ont eux aussi succombé au phénomène.
Un départ en douceur en Europe
Cette tendance des éditions collector est beaucoup plus tardive en Europe. En effet, il a fallu attendre l’ère des consoles 128 bits, pour voir apparaître les premiers coffrets et bonus. C’est principalement sur PlayStation 2 que ces nouveautés se manifestent : avec ICO - Shadow of the Colossus, ou encore Metal Gear 2 et 3, en passant par Silent Hill 2, 3 et 4. Eidos Interactive s’était même permis de surfer sur cette vague, pour lancer un des premiers coffrets collector anniversaires. Pour les 10 ans du premier opus de Tomb Raider, on pouvait trouver dans le coffret Tomb Raider Anniversary, trois disques : un pour le jeu, un sur la bande originale et le dernier contenant des bonus regroupant les meilleurs trailers et artworks des précédents jeux. Un must à l’époque.
Hélas, contrairement aux coffrets collector de nos amis nippons qui sont dignes de ce nom, la version européenne est rarement à la hauteur. Nous devons nous contenter d’un package cartonné, des commentaires de l’équipe de développement et d’un making-of. De son côté, le packaging japonais en met souvent plein les yeux et à l’intérieur se trouve un objet original, voire numéroté. Cette différence ne passe pas inaperçue auprès des joueurs.
Les États-Unis pour démocratiser le phénomène
Les éditeurs japonais ont mis du temps à se rendre compte de l’importance stratégique du marché européen. Cette prise de conscience tardive a facilité la mise en place du marché américain. Ces derniers ont mondialisé les éditions collector. Sur Xbox, il est difficile d’oublier l’édition limitée de Halo 2 : boîte métallisée avec de nombreux bonus et le making-of inclus. Ou encore Doom 3 et ses niveaux inédits, ainsi que Forza Motorsport avec son making-of et des vidéos des voitures inclus dans le jeu. Ayant bien compris l’engouement des joueurs pour les coffrets collector ainsi que la frénésie que peut susciter la rareté de ces derniers, ce marché n’a fait que s'accroître.
Un passionné de Resident Evil
Jouer sur la passion et l’impatience des joueurs pour se faire de l’argent
Le marché des éditions collector s’est répandu sur tous les continents. Nous avons accès à des coffrets à l’esthétique soignée et à pléthore de bonus. Diversifier les propositions et les packagings représente une méthode efficace pour penser les tarifs à la hausse. La production de jeux vidéo HD nécessite de gros moyens et cela s’apparente de plus en plus à un blockbuster venue tout droit d’Hollywood. De ce fait, les éditeurs recherchent des moyens pour répercuter les coûts de production sur les prix des jeux. Avec l’optique aussi d’un retour sur investissement plus rapide.
Ce qui a aussi favorisé la démocratisation des coffrets collector est la disparition des versions physiques des jeux. Les plus de 35 ans se souviennent avec nostalgie du plaisir de déballer leurs achats. De l’odeur caractéristique des notices Nintendo. Plus la dématérialisation s’est répandue, plus les collectors ont parlé aux fans de franchise. Les éditeurs rivalisent d’inventivité pour faire succomber les joueurs à un achat compulsif.
Au fil du temps, les versions Avancées, Gold ou Deluxe nous proposent du contenu supplémentaire. Le plus souvent également, un accès anticipé de quelques jours, sur la sortie officielle du jeu. Cet aspect-là aussi, les éditeurs l’ont bien compris. S'amuser sur l’impatience des joueurs, c’est bon pour leur portefeuille. Mais tout cela reste du pixel, du vide, rien de tangible. Dans cette optique, succomber à une édition collector, c’est tout simplement céder à l’envie de posséder quelque chose de réel, en lien avec un jeu coup de cœur.
On finit même par s’y perdre dans cette jungle de proposition : édition premium ou limité, précommande, collector, super collector ou encore édition spéciale… Y’a-t-il vraiment une différence ou est-ce simplement devenu un argument marketing ? La question est posée. Mais ce qui peut réellement faire la force d’une édition collector, c’est sa rareté.
Les franchises nous proposent des coffrets avec un artbook, une figurine, un jeu de cartes exclusives ou tout autre objet relatif au titre concerné. Les prix s’envolent soit en fonction de ce contenu, soit sur la spéculation de la valeur que cela peut prendre. Tel un Ni No Kuni collector, maintenant très rare, dont le prix a doublé par rapport à son montant initial.
Pour la rareté d’une édition, ce sont les super-collectors qui révèleront les privilégiés. En effet, concernant les jeux les plus populaires, c’est généralement 10 à 20 % de collectors qui sont proposés en plus au public. Pour les super-collectors, c’est uniquement 2 % de la production dont il est question. À vous de voir si un coup de coeur vidéoludique vaut le prix de la rareté.
Les dérives des éditions collector
L’annonce d’un coffret collector est toujours un petit évènement. Surtout si vous êtes fan de la licence. Que vous vous précipitiez ou que vous preniez le temps de peser le pour et le contre, la finalité est que vous avez fait un petit sacrifice pour acquérir l’objet. Et qu’elle ne serait pas votre surprise, si au moment de le découvrir, la belle promesse n’est pas au rendez-vous. Des déceptions il y en a eu. Les éditeurs misent parfois plus sur les publicités alléchantes que sur le contenu réel du collector.
Child of Light collector
Par exemple, dans les coffrets collector de Child of Light, Drakengard 3 ou Battlefield, on nous propose du contenu physique, mais… pas le jeu. On découvre un code pour pouvoir le télécharger. La base de l’édition collector étant justement d’éviter les versions dématérialisées, c’en est juste un comble.
Fallout 76, avec sa Power Armor Edition, a lui aussi réussi à surprendre ses fans. Il était prévu, entre autres dans le coffret, un très beau sac en toile, de qualité, aux couleurs du jeu. La déconvenue a été de se retrouver avec un simple goodies en nylon. Bethesda a rapidement réagi en proposant une compensation, mais sa crédibilité fut entachée et les joueurs déçus.
Pour le collector du jeu Alien vs Predator, l’exosquelette est fourni avec sa queue cassée. La qualité n’étant clairement pas au rendez-vous. Il en est de même pour la maquette de la maison de Resident Evil 7. L’objet n’étant absolument pas protégé pour le transport, l’état d’arrivée n’est pas garanti sans casse.
Avec Castlevania : Lord of Shadow 2 sur PS3, l’éditeur a fait preuve d’imagination. Ou alors il compte sur la créativité des joueurs, car, pour une fois, ce n’est pas le contenu qui fait défaut : c’est le packaging. Ce dernier est, en effet, uniquement constitué du carton d’envoi, avec une photo de l’édition collector collée dessus. Minimaliste au possible.
Quand les éditeurs veulent surprendre leurs fans, c’est une édition collector telle que celle du jeu Catherine qui fait surface. Le titre ayant une histoire décalée, le coffret se doit d’en faire autant. Ses acheteurs ont découvert à l’intérieur, en plus du jeu : une taie d’oreiller imprimée, un T-shirt empty hearts, le caleçon à pois du héros et une boîte à pizza en carton. Au moins tout se retrouve intact dedans, il faut juste faire preuve d’humour.
Les éditions collector de folie
Les éditions spéciales de jeux vidéo sont, la plupart du temps, faites pour des passionnés. Mais, comme toute chose de notre époque, il faut toujours en faire plus, voir beaucoup plus. Forts de ce constat, certains coffrets ont oublié toute notion de décence.
Borderland : The Handsome Collection – Claptrap in a Box Edition vous propose pour 399 € un des plus beaux coffrets disponibles. Non seulement vous découvrez à l’intérieur la Handsome Collection elle-même, mais aussi un boitier collector en métal ainsi que des lithographies en édition limitée. Et surtout : une maquette du robot Claptrap grandeur nature, contrôlable par une application. C’en devient forcément une pièce de collection indispensable.
Pour 999 €, vous pouvez devenir l’heureux détenteur de l’édition collector de Resident Evil 6. Pas de surplus inutile dans ce coffret : vous possédez le jeu, quatre coques pour tablette et aussi, une réplique de la veste en cuir du héros. Cette dernière revient tout de même assez chère, surtout quand on apprend que le résultat est assez cheap. Ce sont principalement les cosplayers de Léon qui sont ravis de cette affaire.
Montons relativement les prix et découvrons pour 10 000 $ : Krater – Victor Edition. À ce prix-là, on ne sait pas bien à quoi s’attendre. Et bien, en plus du jeu (il ne manquerait plus qu’il ne soit pas inclus), vous avez droit à un repas réalisé par le game designer du titre : Victor Magnuson. Pourquoi me direz-vous ? Et quel rapport avec le jeu ? Probablement aucun. Peut-être a-t-il perdu un pari. Quoi qu’il en soit, c’est votre récompense.
Toujours pas assez cher ? Grid 2 Mono Edition propose son collector pour 145 000 €. En plus du jeu, vous avez une PlayStation 3, mais surtout, un supercar Bac Mono aux couleurs du jeu. Oui, une voiture. Toute proportion gardée, cela a rapporté à Codemaster, l’éditeur, une importante couverture médiatique.
Grid 2 Mono Edition
Toujours plus fort, avec Dying Light : My Apocalypse Edition pour 340 000 €. Pour ce prix, on souhaite presque qu’une véritable invasion de zombies se produise, car dans le coffret sont inclus : quatre exemplaires signés du jeu en version steelbook, des lunettes de vision nocturne, un casque Razer Tiamat, des cours avancés de parkour, une statue grandeur nature de Volatile, un voyage en Pologne, des couches pour adultes (vraiment, oui) ainsi qu’une maison préparée contre les attaques de zombies. Vous ne pourrez plus dire que vous n’êtes pas prêt pour toutes les situations.
Il faut bien un vainqueur de l’extravagance et qui de mieux que Saints Row IV – Super Dangerous Wad Wad Edition pour tout exploser ? Pour 1 000 000 $, faites-vous plaisir : des vacances à Washington DC (vol inclus) ainsi qu’à Dubaï (vol inclus), une journée de formation à l’espionnage, l’achat d’une nouvelle garde-robe conseillée par un personal shopper, la chirurgie plastique de votre choix, une Lamborghini Gallardo et une Toyota Prius (avec assurance et abonnement d’un an au E25 Super Car Club), une expérience de sauvetage d’otage, une réplique à taille réelle du Dub-Step Gun ainsi qu’un vol spatial Virgin Galactic. Et le pire, c’est qu’après avoir énuméré tous ces éléments, ça semble une bonne affaire !
Après tous ces excès et quoi qu’il en soit, acheter une édition collector est principalement une histoire de passion. Posséder des objets complémentaires sur sa licence préférée a souvent plus de poids que le prix déboursé. Et vous, avez-vous déjà craqué pour ce genre d’achat coup de cœur au détriment de votre portefeuille ? Y a-t-il une licence pour laquelle vous feriez des folies ?