Depuis près de dix ans, chaque fin d’année est rythmée autour du jeu vidéo à travers les salons qui lui sont dédiés. Entre fin octobre et début novembre, alors que la BlizzCon se tient aux États-Unis, la France organise depuis 2010 la Paris Games Week, rassemblant petits et grands autour du jeu vidéo. Cette année, pour sa dixième édition, le salon avait lieu du 30 octobre au 3 novembre, toujours au parc des expositions de la porte de Versailles, à Paris.
Historique : Le salon maître du jeu vidéo en France
La Paris Games Week (PGW) voit le jour en 2010 et est organisée par le SELL (Syndicat des Éditeurs de Logiciels de Loisirs). Avant sa création, le Festival du jeu vidéo (FJV) était organisé depuis 2006 par la société Games Fed, au départ à Montreuil puis à la porte de Versailles. Le SELL s’associe avec ce festival en 2009 afin d’apporter diverses exclusivités mais décide en 2010 de faire sa route et crée ainsi la Paris Games Week.
En 2010, les deux salons ont lieu à quelques mois d’écart mais le pouvoir marketing de la Paris Games Week a raison du Festival du jeu vidéo. Les dernières et prochaines nouveautés vidéoludiques, ainsi que les grands éditeurs, sont essentiellement présents à la PGW, au grand dam du FJV qui ne se renouvèlera plus depuis. Malgré tout, en 2011, ce dernier fusionnera avec son concurrent en introduisant un espace réservé à la création française. La Paris Games Week est aujourd’hui le salon leader du jeu vidéo en France, ce qui lui permet de garder la mainmise sur les exclusivités et les invités de marque.
En chiffres : deux points de vue en opposition
La Paris Games Week ne déroge pas à la règle du nombre croissant de visiteurs et d’agrandissement de superficie. Organisé dès le départ au parc des expositions de la porte de Versailles à Paris, le salon a d’abord eu lieu dans des halls uniques, avant de s’étaler sur plusieurs d’entres eux. Offrant 14 000 m² d’espace pour sa première édition, le salon s’étend considérablement en 2014, passant de 32 000 m² à 50 000 m². Aujourd’hui, et depuis 2016, la PGW couvre 80 000 m² d’exposition.
En termes de visiteurs, deux statistiques émergent : une présentant le nombre de visiteurs relayé par les organisateurs, et une autre présentant le nombre de visiteurs uniques certifiés par les organismes adéquates français. Le premier regroupe en réalité les visiteurs qui ont payé leur place, les invités, les exposants, les médias, les professionnels, les équipes d’animations et de sécurité ainsi que les personnes présentes aux soirées d'avant-première et aux nocturnes. En conséquence, l’écart entre les deux données est flagrant. En 2010, le salon accueillait par exemple 120 000 visiteurs (organisateurs) et 56 587 visiteurs (certifiés). En 2014 c’était 272 000 visiteurs qui étaient annoncés par l’organisation contre 169 904 certifiés. Enfin, en 2018, on retrouvait 316 000 visiteurs (organisateur) et 197 922 (certifiés).
Cependant, ce sont les chiffres des organisateurs qui sont mis en comparaison avec les autres salons de jeu vidéo, ces derniers ne disposant pas forcément de processus de certification. Tout cela fait de la Paris Games Week le premier salon de jeu vidéo en France, ainsi que l’un des principaux au niveau européen et mondial.
Les grandes annonces et présentations
La Paris Games Week n’est pas réputée pour être l’événement révélant les prochains grands titres vidéoludiques des années à venir. Au contraire, ces derniers sont souvent déjà révélés mais jouables lors du salon. L’occasion aussi, pour les éditeurs et développeurs, d’en parler davantage en présentant de nouvelles choses (trailer, gameplay…) et de faire venir de grands acteurs de la scène, à l’image d’Hideo Kojima lors de cette l’édition 2019.
L’un des événements majeurs de la PGW est la finale de l’ESWC (eSports World Convention), organisée depuis 2011 et qui avait fêté ses dix ans en 2013. Cette même année, l’espace “Jeux Made in France” est inauguré, mettant à l’honneur les studios indépendants français. Depuis 2018, les organisateurs de la PGW sont grandement mobilisés dans l’inclusivité et sont associés à l’association CapGame, qui pilote l’espace “Jouez comme vous êtes” et met en avant plusieurs associations qui œuvrent pour l’accessibilité du jeu vidéo envers les personnes en situation de handicap. Dans le même esprit d’inclusivité, l’association Women in Games mettait cette année en lumière de nombreux jeux créés par des femmes, et l’association Silver Geek, qui oeuvre pour la solidarité numérique avec les séniors, organisait une compétition sur le jeu Wii Bowling.
Le salon parisien s’est donc agrémenté de plusieurs innovations durant les années et reste le rendez-vous de certains événements populaires auprès des joueurs. Malgré la faible notoriété du salon en matière de conférences d’éditeurs et de révélations, Sony y a tenu deux conférences, en 2015 puis en 2017, révélant notamment lors de cette dernière les jeux Ghost of Tsushima et Concrete Genie.
Game’Her à la Paris Games Week
Game’Her a pu se rendre à la Paris Games Week. Ainsi, nous avons eu l’occasion de participer à l’avant première du salon, la Journée de la Recherche, et nous avons même pu promouvoir la mixité dans l’esport aux côtés de l’association Women in Games sur le stand de la ville de Poitiers, le vendredi.
Journée de la Recherche
Le vendredi 1er novembre s’est tenue la “Journée de la Recherche”, organisée par la Bibliothèque Nationale de France (BNF) en partenariat avec le salon. Au programme : 4 conférences sur le jeu vidéo et l’éducation. Une journée très intéressante, que nous vous racontons sans plus tarder.
Livre et littérature dans les jeux vidéo de rôle de fantasy
Hélène Sellier, docteur à l’Université de Marne-la-Vallée, a étudié la place de la littérature dans les jeux, en particulier de l’objet du livre. Et il y en a beaucoup… En lisant un livre dans le jeu, on obtient de l’expérience, ce qu’elle décrit comme la fonction ludique. De même que lire ce livre apporte de nouveaux éléments sur le background du jeu : et c’est la fonction narrative. Ces Easter Eggs révèlent une certaine puissance de la lecture, car plus on lit, mieux on connaît le jeu, plus on a de l’expérience. Mais cela ne s’arrête pas là, le livre est utilisé dans certains jeux pour illustrer la classe de Mage (dans The Elder Scrolls : Morrowind), ou lorsque des PNJ (Personnages Non Joueurs) nous parlent, vous remarquerez que certains tiennent des livres dans leurs mains… coïncidence ? Nos RPG favoris feraient ainsi un hommage à l’héritage littéraire, comme des allusions à Shakespeare dans Skyrim ou The Witcher 3. La littérature met donc en valeur ces jeux, et vice-versa, on peut considérer que le jeu vidéo est une version plus évoluée du récit.
Le Royaume d’Istyald
Attention spoiler : la BnF va sortir son tout premier jeu officiel, dont vous avez le titre ci-dessus. Sous une forme de visual novel, le joueur avancera dans une histoire de Fantasy, et débutera tel que dans un jeu de rôle en ligne (MMORPG) classique, il gagnera de l’expérience et des niveaux. Le jeu évoluera en fonction des choix du joueur, accompagné de plusieurs dialogues pour faire une pause dans ce récit palpitant. Les premières images sont splendides, et les développeurs n’ont pas manqué d’imagination, même si on retrouve les races classiques de Fantasy. Nous avons eu droit à des révélations sur la fin du jeu, mais nous ne vous révélerons rien… Vous pourrez y jouer d’ici janvier, alors patience.
Play-conférence Skyrim
Mais qu’est-ce donc qu’une play-conférence ? Imaginez des conférenciers/chercheurs, regardant et critiquant un collègue jouant à un jeu, vous donnant des explications sur l’Histoire. Et bien c’est ce que nous avons pu voir, et c’était sans doute l’une des conférences les plus passionnantes de la journée. Qui donc peut dire, sans avoir étudié plus amplement l’Histoire médiévale, que les villages de Skyrim sont inspirés des villages anglo-normands ? Que le grand axe pavé que nous empruntons dans le jeu, est issu des axes de communication romains ? Que les sols agricoles sont divisés en espaces, dont les dimensions sont très précises ? Effectivement, certains espaces agricoles sont loués par le paysan au seigneur, tandis que d’autres sont réservés exclusivement à ce seigneur. En bref, le paysage de Skyrim vient tout droit de l’espace urbain médiéval, mélangé aux IVe et Ve siècles, puis de la période entre le IXe et le XIIe siècle. L’Empire de Charlemagne, les Vikings, la société scandinave et germanique, la politique anglo-normande à partir de 1066, toutes ces périodes mélangées entre elles, forment Skyrim. Enfin, la musique n’est pas à mettre de côté, car chaque moment musical vient appuyer un moment clé de l’histoire, et possède sa propre fonction narrative dans le récit. Sans musique, un jeu serait moins agréable, mais aussi moins riche.
Lie in my heart
Pour finir cette journée, nous avons pu voir quelques images du jeu expressif et autobiographique de Sébastien Genvo, auteur sur le jeu vidéo. Pourquoi ce terme de jeu expressif… Et bien son jeu explore bien des domaines de la vie réelle, comme les problèmes psychologiques, sociaux et culturels. Il fait réfléchir, interpelle et demande au joueur de trouver sa propre solution. Le psychiatre Serge Tisseron est ainsi venu nous expliquer le terme d’extimité, et chacun de nous le connaît sans le savoir. Vous connaissez sans doute le terme d’intimité, et bien l’extimité est le contraire. Serge Tisseron explique que l’extimité est le fait de montrer des choses de soi, pour trouver la valeur que cela a, sur les réseaux sociaux par exemple. Il y a aussi une certaine prise de risque, car nul ne sait par avance la réaction que les personnes auront face à notre post.
Interview d’un caster ES1 : Deamz
Pour conclure cet article, nous avons aussi eu l’occasion de rencontrer Deamz, caster pour la chaîne ES1 (chaîne de télévision dédiée à l’esport). Nous lui avons posé quelques questions à l’occasion de sa présence sur le stand EVA (Esports Virtual Arenas), ESWC et PlayStation lors de cette Paris Games Week. C’est avec une grande gentillesse qu’il a accepté de répondre à nos questions sur le métier de caster.
Qu’est-ce qui t’a donné envie d’être caster ?
Quand je jouais avec mes amis chez moi, j’aimais bien couper le son et refaire les voix des commentateurs. Puis je l’ai fait d’abord pour le plaisir en LAN pour dépanner, c’était il y a 10 ans, je me suis pris au jeu et c’est devenu mon métier.
Comment tu t’y es pris pour le devenir ?
En 2012, je suis rentré chez Millenium, je faisais des commentaires sur un site de compétitions sur FIFA, avec Vinsky, un youtubeur qui est assez connu maintenant. On animait une web radio, et j’ai réussi grâce à des personnes qui m’ont donné ma chance au bon moment : Angelito, ancien manager Millenium et Vitality sur FIFA, Stargazer, gérant du portail Call of, et BenJ aujourd’hui responsable des influenceurs Fnatic. C’est grâce à lui que j’ai pu caster à une LAN, il a beaucoup insisté auprès des organisateurs pour que je puisse caster, sans faire partie du staff, j’ai casté, ça leur a plu, et une porte en ouvre une autre. Se faire des contacts, se rendre volontaire, on travaille d’abord beaucoup en bénévole, pour en finir par en faire son métier.
Pourrais-tu décrire une journée en tant que caster à la PGW ?
Il n’y a pas vraiment de journée type, chaque journée est différente. On est assez sollicités, on fait plusieurs choses en même temps. Je me lève tôt le matin, je pars pour la PGW, puis je vais à mon stand, on échange énormément entre nous et on reste sérieux, même si on bosse avec ses amis. La difficulté est de trouver comment bien gérer sa fatigue et sa voix.
Et en tant que caster TV ?
Pour ES1, c’est toujours le même type de journée, on tourne sur Paris le matin. Sachant que je vis en Normandie, je me lève à 6h40, je prends l’un des premiers trains direction Webedia et on tourne. En plateau je ne traîne pas, je reste très sérieux et concentré tout le temps. Puisque je fais l’aller-retour dans la journée, je rentre chez moi à 15h30, après avoir tourné pendant 27mn.
As-tu un rituel spécial avant les shows/tournages ?
Pas vraiment, je suis très rarement stressé. Je me souviens que pour mes premiers events, j’avais un peu d’appréhension dans la minute juste avant. Je fais le vide, j’évite de tomber malade et de perdre ma voix, mais sur 6 jours de PGW, c’est compliqué de garder sa voix intacte.
Vous pouvez retrouver et suivre Deamz sur Twitter : https://twitter.com/RealDeamz !
Sources :
https://www.lemonde.fr/pixels/article/2017/10/17/en-2017-la-paris-games-week-peut-depasser-les-200-000-visiteurs-certifies_5201923_4408996.html
https://www.jeuxactu.com/paris-games-week-2013-dates-et-nouveautes-du-salon-du-jeu-video-88544.htm
https://fr.wikipedia.org/wiki/Paris_Games_Week
https://fr.wikipedia.org/wiki/Festival_du_jeu_vid%C3%A9o