Les jeux auxquels nous jouons sont le reflet de notre humeur immédiate. Cette dernière va nous aider à nous décider si nous voulons jouer à un jeu multijoueur pour nous sociabiliser, à un jeu difficile pour tester nos capacités ou encore à un jeu calme pour nous détendre. Nous choisissons nos divertissements pour les émotions qu’ils nous apportent. Mais dans le cas des jeux d’horreur, qui semblent n’apporter qu’anxiété et peur, qu’est ce qui nous pousse à y jouer ? Découvrons cela ensemble.
L’horreur permettrait-t-elle de développer de nouvelles capacités ?
Le genre de l’horreur est rempli par nos peurs les plus sombres. Du gore aux « jumpscares », il est construit pour nous effrayer. Lorsque nous sommes confrontés pour la première fois à ce type de jeu, nous sommes impuissants. Paralysés, nous n’osons pas avancer dans l’inconnu de ce que le jeu peut nous proposer. Et même si nous parvenons à avancer dans ce qui nous paraît être un cauchemar, les studios redoubleront toujours de ruses pour nous terrifier.
Mais c’est lors de ces situations stressantes que nous obtenons le plus de satisfaction. Pourquoi ? Lorsqu’une menace arrive, par exemple le monstre d’Alien Isolation, il est très probable qu’il nous attrape lors des premières rencontres. Mais petit à petit, nous allons apprendre à dompter le danger, en utilisant des leurres ou en se cachant dans un placard. À chaque fois que la menace est désamorcée, nous sommes envahis par un sentiment de soulagement et de satisfaction. Nous gagnons en maîtrise face aux abominations que le jeu peut nous proposer et notre confiance en soi est boostée.
Le monstre d'Alien Isolation est intuable, le joueur doit se cacher.
Cette maîtrise et confiance sont utiles dans toutes les situations stressantes que nous pouvons rencontrer par la suite, que cela se passe dans le jeu ou dans la vie réelle. En effet, plus nous nous sentons capables de combattre des menaces, moins nous sommes submergés par la peur et l’anxiété. Et il est bien plus simple de tester ses limites dans l’environnement sécurisé qu’est le jeu plutôt que dans notre vie quotidienne. Cette théorie fut testée sur des patients atteints de troubles de l’anxiété et de troubles de stress post-traumatiques à l’aide du jeu en réalité virtuelle Nevermind. Ce dernier va adapter la difficulté du jeu par rapport à notre rythme cardiaque. Plus notre pouls est élevé, plus le jeu est difficile et sans pitié. Mais au contraire, si le joueur arrive à contrôler ses émotions et à rester calme, le jeu devient une promenade de santé. Les recherches actuelles ne comptent pas assez de résultats pour justifier de leur véracité, mais le jeu semble aider les patients sur le long terme. Il aide à profiter de l’instant présent et permet de moins se concentrer sur nos peurs et nos colères.
L’horreur s’inspire de la société
Nevermind se base sur les peurs les plus communes de notre société moderne, comme les accidents de voitures, les suicides et le kidnapping. Mais si l’on s’intéresse plus en détails á l’histoire du genre, il s’est toujours inspiré de nos sources d’angoisses. Dans les années 1950, la peur de la chimie et du nucléaire à créer des films comme Le Tueur au cerveau atomique ou The Son of Dr. Jekyll. Les années 2000 et 2010 furent les années phares des zombies, comme un reflet de la peur de la société moderne sur les pandémies virales ou encore une critique de la perte d’humanité de la société. Le genre s’inspire des cultures locales et des anxiétés actuelles pour nous effrayer.
Mais si les jeux nous permettent de dépasser nos limites, que nous apportent les films d’horreur, où nous ne sommes que spectateur ?
Une théorie avancerait le fait que ce qui nous pousse à aller voir des films de ce genre est notre curiosité. Nous voulons en savoir plus sur des sujets que nous ne connaissons très peu mais qui nous attirent, comme le paranormal ou la mort. De plus, comme l’indique Rex dans son article sur le gore dans les jeux-vidéo :
« Ce n'est un secret pour personne : plus une chose est considérée comme tabou, plus elle attire. C'est la même chose avec la violence et le gore. Si les gens apprécient tant l'horreur, c'est parce que c'est subversif, en dehors des codes et des normes de notre société. S'abandonner à l'épouvante peut être vu comme une forme de contestation, ou tout du moins comme une prise de liberté par rapport à ce qui est imposé dans notre quotidien. »
Lorsqu’une personne est intéressée par un sujet, elle va vouloir en savoir plus même si cela va l’effrayer. Selon une étude de l’université d’Aarhus, un individu curieux du paranormal va avoir tendance à regarder des films de fantômes et de créatures cryptides, tandis qu’une personne plus cartésienne se divertira sur des films mettant en scène des tueurs en séries et des psychopathes.
Une distance face aux atrocités de l’écran
Mais pourquoi certains sont capables de regarder une action gore lors d’un film, alors qu’ils s’évanouiraient lors de la première goutte de sang réelle ?
Trigger Warning (prochain paragraphe) : Maltraitance animale, opération chirurgicale
Lors de recherches sur le dégoût, des scientifiques de l'université de Chicago ont exposé les étudiants à trois vidéos documentaires illustrant des horreurs de la vie réelle. La première montre des vaches assommées, tuées et dépecées dans un abattoir; la seconde représente un singe vivant frappé à la tête avec un marteau, le crâne fendu et le cerveau ouvert; tandis que le troisième clip représentait la peau du visage d’un enfant en train d’être retournée en prévision d’une chirurgie. Environ 90% des étudiants ont éteint la vidéo avant la fin ; et la majorité des personnes ayant regardé les vidéos dans leurs intégralités ont trouvé les images troublantes.
Pourtant, la majorité des étudiants seraient prêts à dépenser de l’argent pour assister à la première d'un nouveau film d'horreur avec beaucoup plus de sang et d’horreurs que ce qui était présent dans les vidéos. Il est alors possible que la nature fictive des films d'horreur donne aux téléspectateurs un sentiment de contrôle en plaçant une distance psychologique entre eux et les actes de violence dont ils ont été témoins. En effet, la majorité des gens qui regardent des films d'horreur comprennent que les événements filmés sont irréels.
Par contre, il est prouvé que les jeunes téléspectateurs qui perçoivent un plus grand réalisme dans les films d'horreur sont plus négativement affectés par leur exposition aux films d'horreur. Il est donc important de respecter les limites d’âge conseillées.
L’horreur, une manière amusante de se connecter aux autres ?
Il est souvent bien plus facile de regarder des films d’horreur en groupe. Ensemble, nous nous sentons plus forts, les émotions provoquées sont moins intenses. Nous ne sommes plus enfermés seuls face à nos émotions, le groupe aide à décompresser. Ceci est aidé par le fait que nous pouvons nous rassurer mutuellement, mais aussi rire de nos propres peurs et celles d’autrui. C’est aussi ce qui rend les jeux d’horreurs en multijoueur si amusants. Les jeux tels que Deceit ou Friday the 13th nous forcent à coopérer face à une même menace. Même si nous ne connaissons rien de nos coéquipiers, nous nous sommes unis par une peur et un objectif commun. Les joueurs font preuves de beaucoup plus de coopération que lorsqu’ils jouent à un jeu où ils ne sont pas effrayés.
Les joueurs doivent coopérer s'ils veulent rester vivants dans Friday the 13th
Par exemple, le jeu BattleBlock Theather est un jeu de plateforme où deux joueurs doivent coopérer pour atteindre la fin du niveau. La mort n’est pas vraiment punitive et seul l’un des deux joueurs peut se tenir sur la plateforme finale pour terminer le niveau. Ceci, couplé au caractère comique du jeu, nous incite à utiliser nos armes contre notre partenaire afin de le « troller », et ce même si l’entraide est obligatoire pour finir le niveau. Le manque de menace (nos seuls ennemis sont des chats déguisés) est un frein à la coopération.
Mais dans les jeux d’horreur, nous sommes tous effrayés et nous ne voulons pas laisser nos partenaires dans une situation dans laquelle nous n’aimerions pas nous retrouver. Par empathie, les joueurs sont plus aptes à prendre des risques pour aider autrui. Ce même sentiment d’empathie peut être retrouvé lorsque l’on regarde quelqu’un jouer à un jeu d’horreur. Nous associons nos réactions à la personne que l’on regarde et cela nous rassure. D’ailleurs il arrive souvent que les réactions de peur observées nous fassent rire, parce que nous aurions réagir probablement de la même manière à sa place. C’est ainsi que des Youtubeurs comme PewDiePie ont réussi à gagner une audience considérable en jouant majoritairement à des jeux d’horreur.
Si nous aimons l’horreur, c’est parce qu’elle n’est pas réelle, qu’elle nous aide à combattre nos peurs et qu’elle nous rapproche des autres. Mais attention, tout ce qui a été dit plus haut n’est que des théories de psychologie, elles ne sont pas universelles et il est possible que vous aimiez vous faire peur pour d’autre raisons. Personnellement, je pense que ma curiosité du paranormal joue beaucoup sur ma capacité à apprécier les jeux d’horreur, et j’y joue la plupart du temps seul dans le noir. Et vous, qu’est-ce qui vous fait aimer le genre horreur ? Et si ce n’est pas le cas, pourquoi ?
Sources
The Horror Paradox | Media Psychology & Mental Health, par Screen Therapy
Horror, Personality, and Threat Simulation, par Clasen Mathias et al.
Why Do We Like Watching Scary Films? par Dr. Mark Griffiths
Why Do People Like Horror Games? par The Last Bacon
The Psychology of Horror Games par Jamie Madigan
Individual differences in sensitivity to disgust: A scale sampling seven domains of disgust elicitors, par Jonathan Haidt et al.