Jeu vidéo et « influenceurs » : un mariage de raison

Jeu vidéo et « influenceurs » : un mariage de raison

Jeu vidéo et « influenceurs » : un mariage de raison

Durant son cheminement vers le progrès infini, le jeu vidéo n’a jamais cessé d’être accompagné, qu’importe la manière, afin de rayonner auprès du plus grand nombre. Tout comme de nombreux médias, il a besoin d’être partagé et promu pour poursuivre sa route. Parfois de manière conséquente, parfois de manière plus timide.

Avec l’ère du « tout numérique », les studios d’édition et de développement ont peu à peu choisi de faire parler d’eux grâce à internet. Et si, fût un temps, les consommateurs avaient un magazine, un journal, ou une émission de télévision fétiche partageant ou faisant la promotion d’un produit, aujourd’hui, les vidéastes et créateurs de contenus leur ont volé la vedette.

L’obsolescence du papier et de la télé

« Nous sommes en l’an 20 du XXIe siècle. Toutes les émissions de télévision et revues consacrées aux jeux vidéo ont été remplacées par internet… Toutes ? Non ! Car une minorité d’entre-elles résistent irréductiblement à sa suprématie… »  

Pour combien de temps… Loin de moi l’idée de vouloir la disparition de ces médias du passé, mais leur heure de gloire descend inexorablement vers la fin de leur existence.

Auparavant, les seules voies possibles pour un studio de faire parler de leur jeu, et tout ce qui avait rapport avec ce dernier, se retrouvait dans les colonnes des journaux spécialisés et les grilles des émissions dédiées : annonces, soluces, disquettes et CD de démo, simples « news »… La pratique était favorable aux deux parties : d’un côté, le média diffuseur rapportait des lecteurs et spectateurs, de l’autre, le média vidéoludique gagnait en visibilité et en possibles futurs acquéreurs. Mais vint Internet.

D’abord peu nombreux et peu inquiétant, les sites internet dédiés à l’actualité du jeu vidéo ont doucement fait mainmise sur le secteur. La rapidité du partage de l’information couplée à la divergence des contenus possibles de créer (vidéo, photo, audio) ont eu raison de ces autres médias déjà en retard face à l’innovation. La gratuité de l’offre ayant finalement terminé d’achever ces derniers.

Mais un règne n’est jamais éternel.

L’influence des créatifs et créatives

Si internet a donné naissance aux sites consacrés au média vidéoludique, une vague de personnes s’est aussi mise à créer et à entreprendre en rapport avec ce même média. Là aussi, tous les points sont réunis pour être dans l’ère du temps : de la vidéo, de l’audio et de la photo. Une composante vient cependant faire la différence : l’interactivité. Une interactivité avec quelqu’un, qui a des goûts, des préférences et non une entreprise qui relaie de l’information en limitant d’émettre un avis propre à chacun de ses employés, parfois inconnus de leurs lecteurs.

Ces personnes ont donc rassemblé autour d’elles des communautés, partageant en partie leurs avis et visions sur ce qui compose le secteur vidéoludique. Et ces communautés se comptent aujourd’hui par millions de personnes pour les plus imposantes. Ainsi, cela serait regrettable pour un studio de jeu vidéo de ne pas exploiter ce potentiel démesuré.

Deux solutions sont aujourd’hui devenues communes pour faire la promotion de son jeu :

  • Passer par le biais d’une plateforme vidéo
  • Passer par le biais d’une plateforme de streaming

C’est avant tout le premier cas qui a été très sollicité par les studios. Moyennant finance, le ou la vidéaste présente le jeu en question, soit le temps d’une vidéo complète, soit sur une partie seulement. Bien que la pratique soit aujourd’hui courante, elle suscitait autrefois beaucoup de mépris de la part de nombreux spectateurs. Si bien que certains « placements de produit » étaient parfois camouflés. D’où l’obligation d’intégrer la mention désormais bien connue « Inclut une communication commerciale » sur une plateforme comme YouTube. Cela a présentement bien changé, et ce n’est pas le nombre affolant de publicités pour un certain jeu mobile qui me contrediront…

Si les champs des possibles étaient limités à ce seul médium durant des années, l’émergence des plateformes de streaming a ouvert le portail d’une plus grande liberté de communication et d’interaction. Beaucoup de studios comptent aujourd’hui sur les streamers, streameuses et vidéastes pour révéler les premières informations de leurs futures productions et montrer du gameplay en exclusivité. Si bien que certains éditeurs en délaissent parfois la presse spécialisée au profit des « influenceurs ».

Les vidéastes au service de la communication

Un exemple assez parlant de ce genre de phénomène porte le nom de Borderlands 3. Le jeu de 2K Games et Gearbox a bénéficié d’une communication pré et post sortie extrêmement massive de la part des vidéastes du net. Notamment dans le streaming où les invitations pour du gameplay exclusif et les embargos de diffusion hâtifs étaient légion. Reste à savoir si la communication était prévue dans ce sens afin de coller à l’un des thèmes abordés dans le jeu, le streaming, incarné par les deux antagonistes.


Tyreen et Troy Calypso (Borderlands 3)

Un autre titre ayant compris l’intérêt de s’exposer via les plateformes de streaming est Apex Legends. Véritable bouleversement dans le petit cocon du Battle Royal, le free-to-play d’EA et Respawn Entertainment est sorti seulement quelques heures après son annonce officielle le 4 février 2019. Et quoi de mieux que passer par le biais des streamers les plus influents de la plateforme Twitch lors de l’ouverture des serveurs ? Dans une interview donnée au site Eurogamer, le producteur exécutif du jeu Drew McCoy expliquait :

« Certaines personnes estiment qu’il y a trop de battle royale, ou que c’est une mode […]. Au lieu d’essayer de convaincre une audience sceptique pendant des mois avec des bandes-annonces et des articles preview, nous avons choisi de laisser le jeu parler de lui-même ; c’est l’antidote le plus puissant contre les problèmes potentiels. »

Laisser le jeu parler de lui-même donc, en sachant qu’il serait exposé pendant plusieurs jours à la vue de milliers de spectateurs. L’assurance de cette exposition était certes garantie par les streamers payés pour y jouer, mais l’engouement autour de son annonce a inévitablement conduit d’autres vidéastes à y jouer, engendrant ainsi toujours plus de spectateurs, tout en profitant de visibilité gratuite. Le pari était risqué, mais il a rapporté gros.

Parmi les éditeurs sachant profiter du succès des vidéastes, Riot Games se hisse aisément en pole position. L’actualité autour de leur nouveau jeu Valorant ne saurait me contredire. En fin d’année 2019 déjà, le studio américain usait de l’influence des streamers et streameuses afin d’optimiser les chances d’accès à la bêta fermée de Legends of Runeterra, son jeu de cartes à collectionner. En liant son compte Riot à son compte Twitch, le visionnage de streams affublés du hashtag #LegendsOfRuneterra augmentait ainsi les probabilités de voir sa préinscription concrétisée par un accès au jeu. 

Avec leur nouveau titre Valorant, plus besoin de se préinscrire au préalable. Depuis le lancement de la bêta fermée le 7 avril dernier, les chiffres du jeu atteignent des sommets vertigineux sur Twitch. Plus de 1,7 million de spectateurs en simultanés ont visionné plus de 34 millions d’heures de jeu, dans la même journée. Certes le FPS était très attendu et nombreux étaient les curieux à vouloir découvrir ce que proposait le titre. Mais Riot sait entretenir un bon potager et maîtrise à la perfection le marché de la carotte. Il ne restait plus qu’à la pendre au nez de ces spectateurs friands du légume. Après avoir lié ses comptes Riot et Twitch, le simple fait de visionner un stream où le drop de clés est activé permet d’avoir une chance de gagner un accès à la bêta fermée. Une manière de procéder qui peut apporter des milliers de spectateurs chez une sélection de streamers, cela peut avoir du bon mais également du mauvais comme le soulignait le streamer Zerator :

Après environ une semaine de streams exclusifs, Riot a annoncé que tous les streams Valorant permettaient de gagner un accès à la bêta. Ouvrir les vannes après avoir maintenu et condensé le courant un moment : Riot sait définitivement exploiter les multiples opportunités qu’offre le monde du streaming. 

Mais il n’est pas toujours nécessaire de passer par des partenariats en tout genre pour faire parler de son jeu. Beaucoup de vidéastes font la promotion de contenus vidéoludiques, par pure bonté ou simplement inconsciemment. Le fait de faire un let’s play contribue finalement à une sorte de publicité. Parfois, certains « influenceurs » participent au développement d’un titre et lui font ainsi bénéficier de leur notoriété. Sans rien altérer de sa qualité initiale, le jeu Onirism (Crimson Tales) compte parmi son casting voix des membres du collectif Re: Take ainsi que le vidéaste Bob Lennon. De même pour StarFlint (Pantang Studio) qui voit son casting composé d’un grand nombre de personnalités d’internet comme le streamer Maxildan, les streameuses Trinity et Maghla ou encore le vidéaste Benzaie. Tout cela contribue indéniablement à faire parler des jeux et à les exposer à des milliers de personnes.


Tweet d’Esperiah : auteur et game designer pour StarFlint

Le fruit d’une cohabitation inéluctable

Cette liaison si particulière qui s’est progressivement établie entre le monde du jeu vidéo et celui des « influenceurs » n’est qu’à son préambule. Elle bénéficie aux deux parties et les plus inquiets sont sans doute les milieux de la presse. Il est difficile d’y voir un avènement progressif des « influenceurs » mais la cohabitation n’est pas à exclure. La rencontre des deux sphères se produit déjà lors des salons et événements exclusifs dédiés au média vidéoludique. Tout comme ce dernier, ce qui lui gravite autour ne cesse d’évoluer et de s’adapter avec son temps, pour ne garder que ce qui lui profite le plus.


Sources :

http://www.jeuxvideo.com/news/997581/respawn-explique-le-lancement-soudain-d-apex-legends.htm
https://twitter.com/RuneterraFR/status/1194620465945497601
http://www.jeuxvideo.com/news/1208983/valorant-deja-pres-de-1-6-million-de-spectateurs-sur-twitch.htm
https://www.begeek.fr/valorant-tout-savoir-sur-lacces-a-la-beta-fermee-340462
https://beta.playvalorant.com/en-us/news/announcements/all-valorant-streams-now-drop-closed-beta-access/
https://www.youtube.com/watch?v=wdh6irl1V3U&t=302s
https://twitter.com/Esperiah_/status/1098264071521161217?s=20

 

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Ylonith
Ylonith

Voyageur de mondes virtuels, passé par Midgar, Skellige et les terres d’Azeroth. Admirateur de jeux enchanteurs, et explorateur du multivers vidéoludique.