Le 23 juin 2016, un référendum au Royaume-Uni a fait parlé de lui : le Brexit. Ce référendum porte ce nom car il s’agit tout simplement de la contraction de “British Exit”. En d’autres termes, il s’agit de la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne.
Pour vous résumer très simplement le Brexit et comment nous en sommes arrivés là, j’ai trouvé cette image sur Twitter qui résume la situation :
Mais pourquoi nous parler du Brexit ?
Tout simplement parce que le 31 octobre 2019 (soit à la fin du mois), le gouvernement britannique doit donner une réponse à l’Union Européenne. Mais aussi parce que le Brexit risque d’être lourd de conséquences pour l’industrie vidéoludique britannique.
En 2018, l’UKIE (The Association for United Kingdom Interactive Entertainment) a mis en avant que l’industrie vidéoludique au Royaume-Uni, est l’un des moteurs de l’économie britannique.
L’industrie vidéoludique est supérieure à celle du cinéma et de la musique que ce soit au Royaume-Uni mais aussi dans d’autres pays.
Les études et les distributeurs sont conscients de l’importance de l’Europe pour augmenter et maintenir ces chiffres. Le Brexit peut donc marquer un avant et un après dans le processus de création d’un jeu vidéo.
Pourquoi l’industrie vidéoludique britannique dépend de l’Union Européenne ?
Au Royaume-Uni, l’industrie vidéoludique britannique dépend principalement de l'accès aux marchés, du libre échange des données mais aussi des talents européens. C’est ce qu’explique le Dr Jo Twist (CEO de UKIE) dans un billet sur le site de GamesIndustry. Toutefois, comme elle le précise dans l’article, bien que l’accord décidé ne soit pas idéal tant que le libre échange de données reste actif, le marché international continuera de fonctionner.
Dans l’accord mentionné, certains éléments sont susceptibles d’affecter l’industrie du jeu vidéo comme notamment :
- les droits des travailleurs détenteurs d’un passeport communautaire;
- le libre échange de données mentionné par Twist;
- les nouvelles réglementations du marché.
Le Royaume-Uni s’est engagé à respecter les droits de résidence, de travail d’études et de santé des Européens qui se sont installés là-bas avant le 29 mars 2019. Malheureusement, la libre circulation sera bien plus restreinte. En effet, les entrées et les sorties du pays nécessiteront un passeport et seront plus difficiles. A savoir que cela peut devenir problématique car plus d'un tiers des 20 000 employés du secteur sont des ressortissants de l'Union européenne.
Des aides en moins
Actuellement, les studios britanniques peuvent bénéficier des aides financières européennes comme la Creative Europe. Toutefois, ce ne sera probablement plus le cas le 31 octobre 2019, il leur faudra donc trouver d’autres sources de financement. C’est d’ailleurs la crainte du Dr Richard Wilson (CEO de TIGA, une association à but non lucratif représentant l’industrie vidéoludique britannique).
Dans le même billet de GamesIndustry, il a d’ailleurs exprimé quelques doutes quant à savoir si les petits studios peuvent "jouer sur un pied d'égalité" vis-à-vis d'autres types d'entreprises qui ne dépendent pas autant des travailleurs étrangers.
Selon lui, les aides de de l’Etat britannique seront limitées dans cette industrie, d’autant plus que les créateurs n’auront plus accès aux aides de l’UE. Cela peut signifier à son sens plus d’intervention gouvernementale dans les petits studios si l’aide ne provient que de l’Etat et pose donc la question de l’intervention de la politique dans la conception des jeux vidéo. Pour lui, une relation entre l’Union européenne et le Royaume-Uni serait plus que bénéfique pour les deux économies.
Des jeux en moins
Dans l’un des scénarios du Brexit, celui où le libre échange des données n’est plus actif, il est fort possible que des joueurs européens ne puissent plus accéder à certains jeux. Du moins, si vous vivez au Royaume-Uni, il ne vous sera plus possible de jouer à Fifa avec des personnes vivant dans un pays de l’Union européenne. Il en va de même pour les jeux Grand Theft Auto.
Le mouvement Games4EU
A la suite des événements liés au Brexit, un mouvement anti-brexit a vu le jour : Games4EU. Ce mouvement dirigé par des professionnels de l’industrie vidéoludique encourage fortement les différents acteurs du secteur à faire entendre leur mécontentement et de tout faire pour éviter ce qui pourrait devenir préjudiciable pour l’industrie.
Games4EU a d’ailleurs publié un guide dans lequel ils expliquent que le Brexit pourra porter atteinte aux petits studios. Selon les données de Games4EU, la cessation du libre-échange entraînera une bureaucratie qui risquera d’entraver sérieusement le fonctionnement des studios.
Mais cela entraînera aussi un coût supplémentaire pour le consommateur. En effet, le Brexit pourrait conduire à une hausse des coûts de production mais aussi à la délocalisation partielle voire même totale de certains studios vers d’autres pays européens. Ce qui conduira alors au départ des employés de l’industrie vidéoludique dans d’autres pays européens.
Des “guides de survie” mis en place
Afin de palier à cela, l’UKIE a mis en place un “Guide de survie face au Brexit” notamment pour répondre aux questions concernant :
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Le recrutement de talents européens;
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L’accès aux marchés;
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La libre circulation des données;
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Les financements;
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Les droits d’auteurs.
De même, pour Games4EU avec leur guide de survie. Ce document de 51 pages couvre plusieurs interrogations des professionnels de l’industrie comme :
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Augmentation des coûts;
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Indisponibilité de certaines ressources au Royaume-Uni;
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L’obligation de s’installer en Union Européenne;
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La perte d'accès aux talents de l'Union Européenne;
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Perte des droits du consommateur;
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Dimension de la culture.
Une source d’inspiration
Cela peut sûrement paraître improbable, mais le Brexit a aussi été une source d’inspiration pour des jeux vidéo. On peut parler d’un jeu nommé “Not Tonight” réalisé par Tim Constant et son équipe. Dans ce jeu, vous vous retrouvez au beau milieu d’une Angleterre aux allures dystopiques dans lequel vous incarnez un videur de club ayant perdu sa nationalité britannique. Ce dernier doit enchaîner les petits jobs tout cela pour répondre à la demande du gouvernement. « Travaillez dur, ne cherchez pas les ennuis, et nous vous laisserons peut-être rester au Royaume-Uni » est la devise du gouvernement de ce jeu.
Attention spoilers la suite contient des spoiler du jeu !
Au début du jeu, vous commencez par contrôler l’identité des personnes souhaitant entrer dans les bars ou dans les boîtes de nuit. Par la suite, à la manière du jeu “Papers, Please”, vous devez contrôler l’identité des personnes voulant entrer au Royaume-Uni. Dans ce jeu, toutes vos décisions vont avoir un impact direct sur le déroulement du scénario. Mais en plus de cela, vous allez devoir raisonner vos propres choix. Vous vous retrouvez en plein dilemme moral et vous remettez en question vos actions. De même, chacune de vos actions aura un impact sur la fin du jeu.
https://www.youtube.com/watch?v=a8jtPQY3_fw
Mais le Brexit n’inspire pas seulement les développeurs indépendants. Lors de l’E3 2019, Ubisoft a présenté son nouveau Watch Dogs Legion. De même que dans le jeu Not Tonight, vous vous retrouvez dans une Angleterre dystopique menacé par la dictature et les extrémistes. Vous évoluez dans un Londres futuriste où l'automatisation et l'intelligence artificielle détruisent l'économie et où les cryptomonnaies ont remplacé la livre sterling.
Ainsi, Il semblerait que l’ensemble des représentants et associations de l'industrie vidéoludique, s'accordent pour dire que la sortie du Royaume-Uni de l'Union Européenne ira à l'encontre des intérêts de l'industrie. Et vous, quel est votre avis sur la question ?
Sources :
Lepoint.fr, Un jeu vidéo présente un Londres post-brexit menacé par la dictature, 11/06/2019
blacknutlemag.com, Le Brexit , "Fin de Partie" pour les studios britanniques de jeux vidéo, 25/02/2019
lapresse.ca, Brexit: fin de partie pour les studios britanniques ?, par Kilian Fichou, le 01/02/2019
xboxygen.com, Brexit : quelles conséquences sur le jeu vidéo au Royaume-Uni et en Europe, par Nonoss le 15/12/2018